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Par Sarah Braun
16 août · 6 mn à lire
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Lilia Hassaine : " Avec la transparence, jusqu’où peut-on aller dans le délire institutionnel ? "

Peut-on raconter la violence de ce monde sans rage ? Sans hurler ? Sans bruit ? Lilia Hassaine le peut. Panorama, son troisième roman, dit avec la douceur qui la caractérise l’injustice, les failles de notre société où tout s’exhibe sur les réseaux sociaux, pour le meilleur et surtout pour le pire.

« Tout a commencé en 2029, quand un influenceur du nom de Julian Gomes a porté plainte contre son oncle. »

Alors qu’il a été violé par son oncle durant son enfance, la plainte de Julian Gomes est classée sans suite. Si la Justice n’est pas capable de faire son travail, alors il s’en charge lui-même. Il suffit d’un sondage sur les réseaux : doit-il se venger ? La réponse est oui. 87% de sa communauté le soutien : il le tue. Tous les autres laissés pour compte de la Justice décident à leur tour de se venger par leur propres moyens. La “Revenge Week” marque un tournant dans le monde. Désormais, plus rien n’est caché. Les murs de pierre cèdent leur place à des cloisons de verre. Chacun se doit se veiller sur son prochain. Un monde idéal, sans secret, sans cadavre planqué dans les placards. Un rêve. Pourtant, en 2049, une famille disparait des radars. Hélène, ex-inspectrice, reprend alors du service.

Avec Panorama, Lilia Hassaine nous plonge dans une dystopie effrayante tant elle fait écho avec l’actualité. Un roman passionnant, aussi solaire que sombre, aussi glaçant que drôle.

Comment vous est venue l’idée de ce troisième roman ?

Tout est parti d’une vision esthétique, une image qui m’a longtemps obsédée. À ce moment-là, je n’avais pas encore d’histoire, juste cette image. Ensuite, il a fallu trouver des personnages, une intrigue, un point de départ. Et, surtout, m’assurer que cette histoire résistait au temps. Plus les jours s’écoulaient, et plus j’étais convaincue que c’était cette histoire-là qui m’attendait…

Quelle était justement cette image ?

Elle m’est venue pendant la promotion de Soleil Amer, alors que je sortais de la Fnac de Nice. Il faisait déjà un peu nuit et je suis tombée nez à nez avec un showroom de salle de bains tout illuminé, qui ressemblait vraiment à une maison. Il y avait un lit, aussi. C’était comme si je m’attendais à ce que quelqu’un surgisse et qu’il vienne se brosser les dents. Cette impression m’est vraiment restée en tête plusieurs jours, au point que j’en suis venue à me demander : qu’est-ce qui te fascine autant dans cette notion de transparence ? Ce n’était pas simplement une histoire de murs qui se transformaient en vitres, c’était vraiment la question de l’intimité. La question de la transparence à tous les niveaux.

Je pense que cette idée m’habitait depuis longtemps, mais j’avais eu besoin d’avoir cette vision, ce choc esthétique pour le rendre plus concret. C’est-à-dire que ce n’était plus juste une idée, c’était une image. Et à partir du moment où c’était une image, ça devenait un objet littéraire. J’étais pourtant déjà habitée par les préoccupations liées aux réseaux sociaux, tous ces sujets très en lien avec l’époque ; c’est d’ailleurs pour cela que je suis devenue journaliste, parce que je me sens concernée par tout ça… Mais ça n’en avait jamais fait un objet littéraire pour autant. Là, je tenais autre chose : j’ai commencé à imaginer des personnages, une intrigue policière. Tout s’est composé petit à petit. Je n’arrêtais plus d’y penser.

Quand j’ai lu Panorama, la première référence qui m’est venue est le poème « Les Fenêtres » de Baudelaire : vous y aviez songé ?

Même pas. Et justement, ce qui est très drôle, c’est que de nombreuses références, qui se sont imposées a posteriori, n’étaient pas du tout premières. Par exemple, j’ai lu récemment Nous autres, de Yevgueni Zamiatine, une des toutes premières dystopies, qui date des années 20, dans laquelle il est déjà question de transparence. C’est intéressant de voir que cette question de transparence - que l’on croit très moderne - est en fait très présente dans toutes les utopies, et notamment celles qui ont dérivé vers des dictatures. C’est vraiment une réalité historique.

Moi, quand j’ai vu la notion de transparence sous cette forme de salle de bains, c’était vraiment de manière très contemporaine : je percevais tout ce que cette image comportait de risques pour aujourd’hui. Cette vision préexistait, dans certains textes, des films, dans des éléments architecturaux, mais elle ne s’était pas incarnée forcément comme élément central dans un roman ; or moi c’est vraiment ce que je souhaitais faire.

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