Ce que je n'ai pas lu en avril

Non, ce n'est pas une coquille de ma part ; je n'ai pas lu en avril. Enfin, presque pas. Alors que je tenais une plutôt bonne cadence depuis le début d'année, la flemme est arrivée. « And voilà. » Vous avez dû d’ailleurs le remarquer, la cadence de newsletters s’est ralentie.

Tous les matins du monde
7 min ⋅ 12/05/2023

Non pas que je n'ai rien à lire, au contraire, mes différentes piles débordent toujours autant ; mais tout me tombe des mains. Peut-être est-ce cet entre-deux rentrées littéraires, sorte de creux de la vague ? Ou alors le marathon de lectures des mois précédents ? Le temps (satané printemps) ? La fatigue ? Bref, peu importe la raison, j’ai moins lu. Mais ne vous inquiétez pas, j’ai quand même quelques (excellentes, of course) suggestions à vous faire. Sans compter que j’ai regardé pas mal de séries : il y a vraiment plusieurs pépites que j’aimerais partager avec vous.

Pour commencer, des lectures bouleversantes… (pour changer un peu !)

Tout d’abord, Pleine et douce, de Camille Froidevaux-Metterie, paru aux éditions Sabine Wespieser. Pour son premier roman, la philosophe a choisi une forme polyphonique, puisqu’elle donne la parole à douze femmes. Douze voix, douze styles d’écriture : d’entrée de jeu Pleine et douce est une jolie prouesse littéraire. Ainsi faisant, l’autrice donne la parole à cette joyeuse constellation féminine, qui toutes convergent vers un seul et unique événement : la naissance de la petite Eve, dont on s’apprête à célébrer la venue au monde. 

Lorsqu’elle a voulu un enfant, Stéphanie n’a pas réussi à se résoudre à rentrer dans le modèle hétéronormé -  pour ne pas dire has been -, de la famille. Cet enfant, elle l’a fait « toute seule », au grand dam de sa mère, Nicole - le chapitre qui lui est consacré est génial d’ignominie, j’ai cru entendre ma grand-mère (il faudra que je vous parle d’elle, un jour) - même si elle a demandé à Greg, son meilleur ami, d’en être le « père intime » (c’est joli, non, cette expression ?). Stéphanie entend bien créer autour de ce bébé providentiel - Eve n’est pas un prénom choisi au hasard - un nouveau modèle de famille. 

Le récit débute donc par la voix d’Eve, le bébé, qui, du haut de ses quelques jours, évalue l’effervescence autour d’elle. Avant que celle-ci ne cède sa place à Stéphanie, et ainsi de suite… Tour à tour, toutes ces femmes qui gravitent autour du divin enfant laissent libre cours à leur flot de pensées. Cette naissance n’est pas anodine, et provoque, chez chacune, un réexamen de sa vie de femme. Toutes sont d’ailleurs à un moment charnière - pour ne pas dire crucial -, heureux ou malheureux, de leur féminité : il y a les premières règles, cette « petite noisette » logée dans le sein de l’une, le couple qui bat de l’aile chez l’autre, laissant la porte grande ouverte à l’adultère. Il y a l’anorexie, aussi ; et puis le viol. Toutes ces femmes disent la difficulté de leur condition. Comme les petites bonnes fées autour du berceau de La Belle au bois dormant (pardonnez-moi la référence), chacune prophétise ce qui adviendra dans la vie de femme d’Eve. Tout est à construire, pourvu que leurs expériences aident l’enfant à traverser les siennes.

Un très joli roman choral, vraiment touchant et vrai, éminemment poétique. Fidèle à son sujet de prédilection, Camille Froidevaux-Metterie raconte avec discrétion, pudeur et élégance le corps des femmes.

...

Tous les matins du monde

Par Sarah Braun

De formation littéraire, j'ai travaillé durant sept ans au sein d'une rédaction luxembourgeoise comme journaliste web lifestyle et chroniqueuse littéraire. Journaliste indépendante depuis 2019, j'adore raconter des histoires (et bien plus encore).

Les derniers articles publiés